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AUN SAN SUE KYI

Passant du 2ème rang des producteurs mondiaux de riz, à un niveau équivalent à un pays africain sub-saharien aux pires heures de la dictature, et même si ce temps semble loin tant la production agricole  paraît abondante,, les birmans sont avides de pouvoir d’achat (ce qu’on ne pourrait leurs reprocher).

L’agriculteur, seul secteur qui semble porteur de revenu, est l’équivalent de ce qu’on pouvait trouver au début du XIXème siècle en Europe, à savoir que les 2 seuls moteurs travaillant les champs sont le buffle et l’huile de coude. Certes, ils ont des camions hors d’âge pour transporter les récoltes jusqu’aux marchés voisins, mais le système routier est dans un tel état qu’aucun trajet n’est sûr d’arriver à son terme. De plus, la junte prélève sa dîme (a priori, pas pour entretenir les routes, Bouddha seul sait pourquoi) sous forme de péages tout les 50 kms au maximum, de quoi freiner tout commerce interrégional.

Le secteur touristique, encore balbutiant (1 million de visiteurs l’an dernier contre 22 pour la Thaïlande), semble porteur d’espoir. Mais quel tourisme ? Cette question et la réponse qui y sera apportée angoissent tous les birmans à qui nous avons posé la question. Ils ne veulent pas du tourisme de masse à la mode thaïlandaise, à savoir des hordes de jeunes anglo-saxons ne cherchant que alcools, drogues et filles à pas chers. Mais pourront-ils y résister tant leur pays est une contrée vierge ? L’écotourisme ne semble pas la priorité des dirigeants et le backpacker (voyageur en sac à dos) pourrait bien voir ces espaces vierges lui passer très vite sous le nez.

Les futurs dirigeants (élections prévues en2015) auront fort à faire tant les espoirs et les risques sont grands. Et la Lady, comme l’appelle ses fans occidentaux et ses partisans birmans, aura son rôle à jouer là dedans. Malheureusement, si elle est la favorite des grandes puissances de ce monde, ce n’est pas pour rien. Fille du père de la nation (tué par les premiers putschistes alors qu’elle avait 2 ans), elle a fait ses études en Angleterre et à fini son cursus universitaire à Oxford, plus connu pour former des traders que des militants communistes pour simplifier. Elle et son parti, le N.L.D. (pour Ligue Nationale pour la Démocratie), fraîchement élus au parlement (encore contrôlé par la junte) viennent de soutenir et voter une loi (en accord plein et total avec cette même junte) accordant la totale propriété aux investisseurs étrangers. C’est le seul pays en Asie à marcher en ce sens, tous les autres obligeant l’investisseur étranger à être minoritaire dans les parts de la société et ne pouvant être propriétaire terrien, leurs assurant ainsi un contrôle et les revenus minimums.

Pour faire simple, la boite de Pandore est ouverte en Birmanie.

Je vous laisse imaginer le pillage en ce qui concerne les forêts tropicales. On connait le sens aigu de l’écologie dans la Chine voisine, ainsi qu’elle nous l’a prouvé en Afrique et au Laos voisin, où la forêt primaire -encore présente il y a 10 ans- a totalement disparu pour laisser place à des coupes vierges. Il y a aussi les mines d’or, de pierres précieuses, les gisements de gaz ou de pétrole (Total,  déjà présent malgré l’embargo, est cordialement invité au pillage moyennant quelques dessous de table bien sentis), l’industrie du caoutchouc (déjà bien présente elle aussi et qui laisse des sols impropres à toutes cultures pendant plusieurs décennies)… j’en passe et des meilleures.

Et pour ne parler que du tourisme, sont invités Cleb Med et consorts à venir nous construire de biens gros resorts et autres camps de vacances pour occidentaux, avec plages de sable fin privées, piscines à débordements… Le tout paré de beaux et souriants servants en livré avec un teint bien caramel (le birman a le sourire collé au visage, mais c’est pas dis que ça dure), payés moins de 2 dollars par jour… De quoi nous rappeler nos glorieuses années, et assurer de belles rentes aux actionnaires…

L’opposante historique dont on nous rabat les oreilles depuis 20 ans, prix Nobel de la Paix, vient de jeter son pays dans la fosse aux requins du capitalisme avec pour seule arme de défense la joie de vivre et le bouddhisme (et notamment la réincarnation et l’espoir d’une vie meilleure la prochaine fois). Ça risque de pas peser lourd dans la balance.

Mais tout n’est pas encore noir, les prochaines élections peuvent faire bouger les choses. Non c’est une blague, tout est déjà verrouillé. Comme toujours, nos pions sont aux bonnes places et l’échec et mat est proche.