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Monastère de Win Sei Taw YA, ou comment  l'orgueil humain se sert de la religion pour bâtir des empires.

Que dire de ce monastère,  si on peut l’appeler ainsi ?

Commençons par le décrire. L’allée menant au bouddha, longue d’environ 2 kms, est longée d’une file indienne de 500 moines (autant sont actuellement en cours de construction) de plus de 3 mètres de haut.

On arrive alors devant la statue du moine à la base de ce lieu. La statue, sur un piédestal de 4mètres, est  haute de 3 mètres et le représente au côté d’un tigre rageur avec un air des plus strictes.

 

Le reste du parc est pour l’instant bien moins impressionnant si ce n’est la présence d’un moine assis de 40 mètres.

Tout est cours d’aménagement. Quelques échoppes a souvenirs ou autres bar à thé se disputent le moindre bus de touristes (principalement coréens ou japonais) arrivant jusque là.

C’est à ce moment que l’on découvre la curiosité locale dont tant de locaux nous ont parlés avec fierté et qui nous laisse littéralement sur le cul. Le plus grand Bouddha couché du monde…

… 170 mètres de bétons et de tôles ou peintures délavées et tapis de mousses végétales se battent en duel pour savoir qui occupera le plus de place sur le colosse. La grande fierté locale est livrée a elle-même sans entretien. Non par manque de moyen, un panneau d’information nous le confirmera mais parce que un autre Bouddha couché est en construction face à lui. Non pas de 170 mètres (c’est du déjà vu) mais de 280 mètres cette fois !!!

 Sorti de la tête d’un homme ayant fraichement choisi la vie monastique, ce lieu est un hymne à l’orgueil humain tellement loin des enseignements de Bouddha. Sachant que les moines vivent des donations faites par les villageois, se pose la question du financement d’un projet aussi colossal. Nous n’avons pas trouvé la réponse, les birmans sont très discret sur ce genre de sujet. Toutefois, en nous promenant dans les villages alentours, nous avons pu assister à un manège pour le moins déconcertant. Plusieurs quêtes organisées par les villageois eux-mêmes se suivant parfois de moins de 200 mètres au sein de villages ne comptant quelques fois que 200 ou 300 âmes. Nous en avons compté jusque 8 dans un village de taille modeste. Il faut savoir que ce n’est pas rare en Birmanie qu’une quête soit organisée afin d’offrir un repas de fête aux moines mais uniquement pour des occasions particulières (fêtes bouddhistes, kermesses…) ou qu’une famille plus ou moins aisée offre un repas pour célébrer un anniversaire ou autre chose, chaque occasion est bonne pour s attirer les bonnes grâces de Bouddha.

Nous n’avons aucune envie de spéculer sur le but de ces quêtes, peut être avons-nous raté une grande fête religieuse (ce qui parait peu probable tant elles peuvent être d’une ampleur considérable) ou une autre raison qui puisse l’expliquer ? Quoi qu’il en soit, c’est un phénomène que nous n’avons retrouvé nulle part ailleurs en Birmanie, même pas à Bagan qui est l’un des lieux les plus saints du bouddhisme birmans.

Notre sentiment, vous l’aurez compris, est que c’est toute une région qui finance le délire égocentrique et mégalomaniaque d’un seul homme voulant laisser sa trace dans l’histoire. Les birmans ont un bouddhisme très exubérant où lieux saints, reliques, or ont une place prédominante dans l’imaginaire. Le nombre de pagode est tout simplement incalculable. Partout où l’on pose regard, on peut y voir une pagode si ce n’est 5, 10 ou 30, et pour la plupart de construction récente. Leur nombre est à l’égal du retard accumulé par le pays en infrastructures  et de la pauvreté de ses habitants.

 La junte, encore au pouvoir, a fait main basse sur les richesses naturelles présentent en nombre sur le sol birman (gaz, pétrole, pierres précieuses en tout genres, bois précieux…). On est en droit de se demander si les moines ne prennent pas, via ces quêtes permanentes, le peu restant des maigres revenus amassés au prix d’un dur labeur.